Le débat sur la sortie du nucléaire est clivant : faut-il continuer le déploiement de ce type de production d’énergie parfois considérée comme la moins polluante des énergies de masse, peut-on diminuer la part du nucléaire dans un monde en pleine croissance consumériste ? Autres interrogations : doit-on porter une sobriété voire une forme de décroissance avec un minimum d’assentiment des populations et, enfin,, les travailleuses et travailleurs du nucléaire sont-ils à sauvegarder ou à protéger ? Mais au fait, à la base, le débat est-il vraiment posé démocratiquement ou confisqué par des industriels ou des « sachants » ? Pour Solidaires, la question est sociale, environnementale, donc politique ! RDV dans la rue le 13 mars pour l’exprimer !
- Fukushima : l’archétype même du désordre à ne pas reproduire et pourtant… Dix ans après une catastrophe nucléaire hors norme, rendant tristement célèbre la ville nippone de Fukushima, ses habitants ne souhaitent pas y retourner. Malgré la pression des autorités japonaises militant pour un retour à la normale autour de la centrale, seuls 20 % des évacués de l’époque ont franchi le pas. Et pour cause…Les conséquences sanitaires de l’accident nucléaire du 11 mars 2011 continuent à se déployer. Aujourd’hui encore, après la fusion des 3 cœurs de réacteurs, une large partie de l’archipel reste contaminée. Dans certaines régions, la radioactivité ambiante est trop élevée et les habitants mangent de la nourriture contaminée, tandis que le gouvernement prévoit de se débarrasser des milliards de litres d’eau contaminée en les rejetant directement dans l’océan Pacifique. Et aux quatre coins du pays, des millions de tonnes de déchets radioactifs continuent de s’entasser.
Un raz de marée, après un tsunami, a donc provoqué l’un des accidents les plus graves de l’histoire mettant en exergue la vulnérabilité de l’énergie nucléaire. En effet, cette dernière consomme énormément d’eau pour refroidir les réacteurs. Conséquence : l’installation de centrale se fait en zone côtière ou en bord de rivière. C’est incompatible avec les dérèglements climatiques et la montée des eaux. De plus, les sites sont très durs à protéger contre les actes de malveillance. Ils peuvent être une arme et donc une cible potentielle. Les incursions de Greenpeace dans les centrales françaises nous le montrent régulièrement. Pourtant le lobby nucléaire essaie d’imposer son point de vue en voulant détourner certains accords climatiques à son avantage. Il met en avant le coté « bas carbone » de ce mode de production, au même titre que les énergies renouvelables. Elle émet très peu de CO2 (12 g de CO2/kWh vs charbon 820 g, l’éolien et hydraulique environ 15 g). C’est un fait. Mais ça ne doit pas annihiler le débat car le nucléaire est aussi polluant.
L’empreinte écologique, ce n’est pas seulement le CO2, c’est aussi les déchets. En France, par exemple, des centaines de milliers de ces déchets radioactifs sont transportés et stockés, parfois en plein air ! Le projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure dans la Meuse prévoit de garder 42 000 tonnes de déchets hautement radioactifs et inflammables, le tout pour 100 000 ans minimum. Autant dire pour toujours… En ajoutant la contamination progressive des nappes phréatiques, le cocktail est détonnant !
- Le nucléaire, la moins pire des énergies ? Autre problématique occultée par les pro-nucléaires : l’uranium nécessaire à la fission nucléaire vient en partie d’Afrique, notamment des gisements d’Uranium du Mali, où la France protège militairement son pré-carré sous des prétextes fallacieux. En outre, les conditions de travail des extracteurs, dans des mines à ciel ouvert, issues des populations locales exploitées, entretiennent un néo-colonialisme loin d’être éradiqué. D’ailleurs les tenants du nucléaire (AREVA) allèguent s’opposer à l’industrie pétrolifère (TOTAL) et ses émissions de CO2 qui réchauffent le climat, tout en étant des actionnaires croisés sur le continent africain. Le cynisme capitaliste n’a pas de scrupules…
A l’autre bout de la chaîne, les travailleuses et travailleurs du nucléaire en France sont également à protéger : une partie de l’activité la plus pathogène avec exposition à la radioactivité est en grande partie sous-traitée par l’opérateur public EDF. Ce recours massif à la précarité échappe en partie à la réglementation, en trichant sur les normes d’exposition. De plus, le remplacement des CHSCT par des CSE restreint les prérogatives des syndicalistes, dédouanant les employeurs de leurs obligations de préservation de la santé des salarié.es.
Enfin, à ce jour, le nucléaire coûte de plus en plus cher et c’est de l’argent public que l’on aurait pu investir dans la transition énergétique. L’exemple de l’EPR (Evolutionary Power Reactor) de Flamanville en est le triste témoignage. Il devait démarrer en 2012 et coûter 3,5 milliards d’euros. Son démarrage est prévu en 2023 et le coût s’élève, pour le moment, à 19 milliards ! Ce gaspillage est en partie dû à la désindustrialisation des savoir-faire (sidérurgie, fonderie, ingénierie) laminés par la mondialisation des profits. Les emplois dans la filière « renouvelable » représentent une source de nouveaux métiers considérable, qui plus est, dans une forme d’industrie plus vertueuse. Une partie des travailleuse.eurs du « nucléaire » pourrait s’en emparer. Pour celles et ceux de ces secteurs susceptibles de disparaître et éloignés des bassins de d’emploi et/ou en fin de carrière, des mécanismes financiers de compensation doivent voir le jour. Personne ne doit être laissé au bord du chemin de la transition multiforme à engager. Le chantage à l’emploi ne doit pas être synonyme d’immobilisme, l’écologie étant aussi une urgence sociale !
- Sobriété, décroissance, avec ou sans notre volonté ? Le débat public sur les choix industriels et les horizons futurs est en permanence éludé ou détourné. Si l’on vient à questionner le sens de l’idolâtrie béate du progrès « technique », on est automatiquement qualifié en termes discriminants. Il conviendrait pourtant de mettre à plat collectivement les enjeux au vu, notamment, des nouvelles techniques mobilisables sans délai, et choisir une voie respectueuse du vivant et du corps social.
Devant les perspectives de raréfaction des ressources et de réchauffement climatique, de risques industriels, difficile d’écarter l’idée d’un meilleur usage des dites ressources : en consommant moins, en limitant le gaspillage voire en choisissant sciemment d’abandonner des technologies dont on ne veut pas subir les contraintes. Le principe d’empilement (les nouveaux équipements ne remplacent pas mais s’additionnent aux anciennes) ainsi que de rendement (on dépense davantage pour extraire des énergies fossiles ou de l’uranium en augmentant leur prix d’achat) obstruent notre perception de l’urgence écologique. Faire baisser artificiellement la part du nucléaire en augmentant celle liée aux autres énergies revient à une arnaque ! La sobriété, c’est-à-dire la diminution de notre consommation d’énergie, apparaît incontournable.
Quant au sujet tabou de la « décroissance », à savoir volontairement produire moins, il se fissure sur l’autel de notre confort. Cette option doit faire l’objet de débats dans la société, avant que la vulnérabilité de notre écosystème ne nous l’impose. En tout état de cause, augmenter le parc nucléaire, avec ses déchets radioactifs, ses enjeux géopolitiques et ses risques potentiels, sans compter le dérèglement climatique s’apparente à un pari très risqué pour l’humanité et le vivant. Le sujet est trop sérieux pour être laissé à des lobbys de multinationales
Solidaires 44 s’associe à l’action du 13 mars 2021 à Nantes
Soyons nombreuses et nombreux pour porter des alternatives !
tract : Solidaires écolo 4